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Le "besoin sexuel" existe-t-il vraiment ?

Photo du rédacteur: Lauriane StraussLauriane Strauss

Il vous est probablement arrivé d'entendre, ou même de formuler, des phrases comme :

  • Les hommes ont des besoins

  • J'ai des besoins tu sais... Je suis frustré.e !

  • Il/elle va finir par partir si tu ne te forces pas un peu... Il/elle a des besoins quand même...


Ces phrases sous-entendent plusieurs choses :

  • L'existence d'un "besoin sexuel", qui serait naturel, biologique, et davantage présent chez les hommes.

  • Ce "besoin" serait justificatif d'une sexualité imposée à l'autre.

  • Ce "besoin" autoriserait certains comportements (infidélité, violences...).

  • Si l'autre ne peut/veut pas combler ce "besoin", il serait entendable de le/la culpabiliser.


Alors, que signifie ce terme ? Quel sens commun lui donne-t-on ? Quelles représentations symboliques l'entourent ? Quelles sont les conséquences de cette conception ?



Une triple distinction


En sexologie, il est coutume d'opérer une distinction entre trois termes :

  • L'excitation sexuelle

  • Le désir sexuel

  • Le besoin sexuel


Distinction entre excitation sexuelle, désir sexuel, besoin sexuel

Quel sens donne-t-on à cette notion ?


Dans cet article, il ne sera pas tant question de trancher sans nuance, par oui ou par non, mais plutôt de chercher à comprendre ce que le terme "besoin sexuel" désigne dans l'imaginaire commun, et les conséquences de cette conception.


Lorsque l'on entend ces mots, pense-t-on plutôt à... :

  • Un besoin dit primaire, qui serait une profonde pulsion à assouvir, pas tellement contrôlable, et qui justifierait certains comportements ?

  • Une énergie de vie, un ressenti que certain.es peuvent éprouver (tandis que d'autres moins), mais tout à fait contrôlable et non justificatif de certains comportements ?


Il est à parier que, malheureusement, l'imaginaire commun se situe plus sur la première option, et cette conception n'est pas sans répercussion sur nos sexualités.



Quelles répercussions ?


(TW : des termes relatifs aux violences sexuelles sont utilisés dans ce paragraphe)

La responsabilisation de l'autre : la notion invite à responsabiliser l'autre de l'assouvissement de ce "besoin", en le/la culpabilisant s'il/elle n'y est pas disposé.e. Ce ressenti est alors érigé en quelque chose de tellement fort, qui serait rattaché à la "nature humaine", et autoriserait ainsi des comportements tels qu'une infidélité, du chantage, voire des agressions et/ou viols.


Influence sur nos croyances : le "besoin sexuel" et le sens qui lui est attribué est chargé en symbolique et en injonctions, nous sommes obligés de le reconnaître. Comment les sexualités peuvent-elles être entièrement libres si on entend depuis notre plus jeune âge que, "Les hommes ont des besoins, tu dois le satisfaire pour être une bonne épouse", "Un couple heureux a au moins 3 rapports par semaine", etc. ?


En ce sens, certaines personnes invoquent encore la fameuse pyramide de Maslow pour justifier leur besoin physiologique de sexe, qui serait fortement incontrôlable et douloureux si non satisfait. En effet, cette pyramide place la sexualité en son premier étage, aux côtés d'autres besoins (vraiment) vitaux, comme le fait de boire ou de manger.

Alerte au Scoop : cette conceptualisation n'est en fait pas vraiment fondée scientifiquement...*.


Cette théorie n'invite pas à construire un rapport équilibré à la sexualité, proche de l'écoute de ses envies et limites. C'est d'ailleurs assez étrange... L'échelon du bas doit être satisfait pour pouvoir accéder à l'échelon suivant ; plutôt curieux qu'on trouve la sexualité avant le fait de se sentir en sécurité, non ?



Le besoin sexuel, comme besoin vital et

base d'un devoir conjugal, cela n'existe pas.


Sexualité par obligation : tout cela conduit à partager une sexualité par obligation, et non plus par envie, désir.

Et c'est le meilleur moyen pour ne plus avoir envie, justement ! (Tu captes un peu le cercle vicieux ?).


Et si le "besoin sexuel" (comme on le perçoit) était le

meilleur moyen de flinguer le désir sexuel ?




"Besoin sexuel" VS gestion des émotions


L'absence de sexualité partagée lorsqu'on la désire peut susciter des émotions, par exemple de la frustration. Le réflexe dans cette situation est de se souvenir que vous avez le droit de ressentir une émotion, mais que celle-ci ne justifie pas vos comportements. C'est-à-dire que vous avez le droit d'être un peu déçu.e, un peu frustré.e, mais vous n'avez pas le droit de culpabiliser, de faire du chantage, ou encore de forcer pour résoudre vos envies et votre frustration.

Chacun et chacune est responsable de la gestion de ses envies et de ses émotions, ainsi que de leur régulation ; et ce qui est compliqué, c'est que nous ne sommes pas toujours guidés pour apprendre à le faire !


Je vous invite à vous poser et à vous questionner sur la frustration que vous pourriez ressentir ; chaque émotion est un puissant vecteur de messages et d'informations pour mieux se comprendre.

Souvent, cela va plus loin qu'un simple "j'avais envie de sexualité, je ne l'ai pas obtenue, alors je suis frustré.e.". Peut-on se demander plus largement quel besoin affectif n'a pas été comblé ? Qu'est-ce que vous alliez chercher en initiant un rapport sexuel ? Par exemple, il peut s'agir d'une recherche d'intimité, de connexion, de tendresse, au-delà de l'acte sexuel lui-même.



Pour conclure, cet article nous aura permis de déterminer que le besoin sexuel comme besoin primaire, vital, et imposable à l'autre, cela n'existe pas. Une sexualité partagée se DÉSIRE, plus qu'elle se nécessite.




*Pierre Dubol, Petit traité du désir, p. 83.

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